Tous les articles par Jean-Marc Michalowski

Les recycleurs de la Nature

La mort d’un animal, petit ou grand, devient source de nourriture pour d’autres, qui recyclent cette matière organique en la mangeant ou en y pondant, leurs larves y trouvent le gîte et le couvert selon la formule consacrée.

Ainsi, le cadavre en décomposition de cet écureuil roux, trouvé en bord de route, face ventrale (blanche) visible, était couvert de grosses mouches, peu dérangées par ma présence. Et une fois retourné avec un bâton (pour ne pas le toucher directement), j’ai juste eu le temps d’apercevoir (et de photographier …) une demi douzaine de coléoptères, connus sous le nom de Nécrophores (Nicrophorus vespilloides).

Nicrophorus vespilloides, Linné 1783, famille Silphidae, sous-famille  Nicrophorinae 

Nicrophorus vespilloides est un insecte coléoptère de la famille des Silphidae long d’une quinzaine de millimètres (11- 16 mm), noir et orange principalement trouvé dans les forêts européennes et les tourbières nord-américaines. Il fait partie des nécrophores.
C’est une espèce discrète, mais qui joue un rôle majeur dans l’écosystème, car il assainit l’environnement en y éliminant les cadavres de petits animaux (oiseaux, petits mammifères). C’est une des rares espèces de coléoptères qui s’occupent de leur progéniture.

Les espèces de la sous-famille des Nicrophorinae sont attirées par les odeurs émises par les cadavres qu’elles détectent de très loin. Les premiers individus de chaque sexe qui arrivent près d’un cadavre combattent pour chasser ceux qui arrivent par la suite. On les rencontre donc généralement isolés ou par couple sur un cadavre.
Une fois sur place, les nécrophores se glissent sous le cadavre (oiseaux, souris, taupes, …) qu’ils enterrent rapidement s’il n’est pas trop gros à l’aide de leurs mandibules et de leurs tibias épineux. Les racines des plantes et autres obstacles ne résistent pas à leurs puissantes mandibules.

Dans ce nid souterrain les parents consomment les viscères du cadavre et font des « boulettes de viande » recouvertes d’une gelée aux propriétés antimicrobiennes, qui semblent pouvoir ralentir la décomposition de la chair. Une fois sorties de l’œuf, les larves se nourrissent sur les boulettes de chair ainsi préparées.

Les grosses mouches appartiennent probablement à la famille des Calliphoridae.
Les mouches de cette famille ont des biologies très variées : elles sont en majorité nécrophages, coprophages ou détritiphages, mais parfois prédatrices ou parasitoïdes d’escargots. Les Calliphoridae sont habituellement les tout premiers insectes parvenant au contact d’un cadavre où va se dérouler le développement de leurs stades larvaires.
Voir par exemple la “Cynomye des morts” sur Naturaliste.be

Observation inédite, d’une espèce rare en Belgique

Leucospis dorsigera Fabricius, 1775 (Hymenoptera : Chalcidoidea, Leucospididae) 

Cette année 2020 est à ce jour la plus riche en observations dans mon mini-jardin; j’y ai vu en un printemps, toutes les abeilles solitaires observées depuis 13 ans.

Et puis, il y a les “bonus”.

A force d’observations, de photos, de lectures de guides et revues entomologiques … quand arrive une espèce jamais observée ou vue en photo, je sais qu’elle n’est pas commune. C’est bien évidemment peu fréquent. Je pense notamment à cette première observation pour la province de Liège, d’un petit papillon nommé Ochsenheimeria taurella ou à une petite guêpe, Dinocampus coccinellae , un parasitoïde de coccinelles, dont il n’y a à ce jour que 5 observations dans l’Observatoire de la biodiversité de Wallonie.

Aujourd’hui c’est de nouveau un hyménoptère qui a retenu toute mon attention. Depuis 3 jours, je le voyais tourner autour du nid d’une Osmie installé dans la maçonnerie au premier étage, mais sans jamais pouvoir le photographier.

Et puis, alors que je photographiais les entrées et sorties d’une Osmie bleu (Osmia caerulescens) depuis un tube de bambou posé contre le mur du jardin, “elle” était juste à côté, posée sur un autre bambou. C’était maintenant bien clair : je ne l’avais jamais observée. Les photos rapidement transférées sur le PC, j’interroge Google pendant une heure, sans rien trouver. C’est finalement Nicolas Vereecken, autour de divers beaux livres sur les abeilles sauvages, qui me donnera la clé de l’énigme : Leucospis dorsigera (spécimen femelle)

Espèce identifiée pour la première fois en 2005 par Jean Luc Renneson (Renneson, J-L. 2005. – Leucospis dorsigera Fabricius, 1775 (Hymenoptera : Chalcidoidea, Leucospididae) : Espèce nouvelle en Belgique. Notes fauniques de Gembloux , 56 : 45-46.), Leucospis dorsigera est un hyménoptère de petite taille (10 mm), parasite de diverses abeilles solitaires de la famille des Megachilidae.

Avec son ovopositeur, cette guêpe parasite dépose un œuf sur les larves d’abeilles, dans les cellules où elles se développent. La larve de la guêpe se nourrit ainsi de la larve d’abeille. Les guêpes adultes émergent l’année suivante.

Une vidéo montrant l’ovopositeur en action, sur un bloc de bois dur.

Génération spontanée ? … certes non

Lors d’une sortie en forêt (le 6 juin 2020) pour un inventaire entomologique, je trouve sur une tige séchée, un nid de polistes, abandonné, et a priori vide. Prélevé pour un futur usage didactique, il est placé dans un petit pot en plastique, et oublié sur une table en attendant son rangement dans la bonne boite de matériel.

Et le 12 juin, surprise … une dizaine de petits coléoptères bien vivants sont maintenant présents dans le récipient …

A priori, il pourrait s’agir de Byturus tomentosus, ou Ver de la Framboise, un petit coléoptère qui peut causer de gros dégâts dans les framboisiers, mais que l’on trouve aussi sur la ronce en forêt.

Selon la littérature, le cycle de ce coléoptère est le suivant :

La femelle pond les œufs (une centaine en tout) isolement dans les fleurs et sur les jeunes baies, dans lesquelles les larves se développeront. Ces larves, appelées couramment "vers", rongent les parties internes de la fleur, l'ovaire ou les graines. Parvenues à la fin de leur croissance, les larves quittent les framboisiers, s'enfoncent un peu dans la terre, près des tiges, et se nymphosent.

Ils ne sont a priori pas nés dans ce nid de Polistes, et ils étaient donc bien cachés au fond des alvéoles du nid, peut être pour se protéger des dernières nuits fraîches …